Calme trompeur
J’ai encore passé une excellente nuit. Je suis actuellement en pleine forme, plus rien à voir avec le début de la semaine où je titubais de fatigue après avoir dormi trois heures par nuit en moyenne pendant plusieurs jours. Plus qu’à la pression cette fatigue était dûe à l’ambiance camping dans l’appartement qui s’éternisait. Depuis quelques jours je dors seul dans le salon, à même le sol avec une couverture pliée comme matelas. Même si mes amies ne me croient pas, je vous assure que c’est très confortable (j’aime dormir sur du dur)!
Nous avons donc fait une vraie journée de travail hier. Même si cela semble parfois un peu irréel c’est quand même agréable de retrouver un rythme et une activité.
Caro est vraiment épuisée car non contente de tourner ses reportages elle doit aussi faire marcher leur petite boîte de production. En effet, son patron qui s’occupait des aspects administratifs a rejoint la Croix Rouge (dont il était un des responsables à Beyrouth par le passé). Mais elle s’accroche et elle continue à faire un super boulot. Non seulement elle est courageuse et travailleuse, mais en plus elle est vraiment douée: ses sujets sont pertinents et émouvants sans être misérabilistes et elle commence à maîtriser l’art de se faire des contacts un peu partout et dans tous les milieux. Quand on sait qu’elle a 23 ans, il n’y a qu’un seul mot: chapeau!
La ville est calme (enfin relativement: la banlieue sud continue d’être pilonnée). Et nous sommes plus calmes également. Chacun a pris ses décisions, partir ou rester et se sent donc plus serein. Il y a encore des petits débat de temps en temps avec ceux qui confondent prudence et peur, ou que la guerre excite. Je fuis ces discussions désormais, car elles m’exaspèrent. Je ne supporte plus le regard arrogant que me jette ces jeunes qui ne connaissent pas grand chose et prennent l’inconscience pour du courage.
Cela ne veut pas dire que je pense que tout le monde devrait partir à tout prix. Je suis fier que Caro reste et je pense qu’elle a raison. Je serai soucieux pour elle, mais elle fait son métier et je sais qu’elle est prudente et à quelle point elle réalise l’horreur de ce qui se passe. Je suis allé volontairement dans un pays en guerre pour la première fois il y a 11 ans, en Croatie. Depuis, j’ai voyagé maintes fois dans les Balkans, j’ai vécu à Berlin où les traces de la seconde guerre mondiale sont encore visible, je suis allé en Géorgie et en Azerbaïdjan, je fréquente le Liban et des Libanais depuis 10 ans… Et ce que j’ai appris de tous ces gens qui ont tant souffert, c’est que la guerre, quand on peut, on la fuit!
Alors évidemment, avec ce calme, ceux qui restent se sentent très courageux et ils ont hâte de reprendre la vie d’avant, dans le Liban insouciant que nous avons savouré ces dernières semaines.
Mais je crains que ce calme ne soit trompeur et je ne suis malheureusement pas le seul. En effet, une violence délirante se déchaîne sur le reste du pays (avant-hier, journée calme à Beyrouth, il y a eu 72 morts) et beaucoup pensent que les israëliens sont prudents pendant l’évacuation des étrangers. Quand nous serons partis, en revanche, Dieu seul sait ce que leur frustration de ne pas arriver à affalaibir le Hezbollah leur fera faire.
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